La question de l’humanité ou de la morale peut se poser en séduction. Apprendre à séduire sans stress, apprendre les comportements de l’homme séduisant passe par un certain nombre de conditionnements qui nous amènent à nous demander si nous serons toujours à même à ressentir le même sentiment, violent et passionné, qui nous amène à tomber amoureux.
Un lecteur nous permet de répondre à cette question aujourd’hui, tout en donnant des notions sur l’art de l’interprétation.
Séduire et ressentir, possible?
Bonjour.
Tu ne me connais pas, mais mon message se résume en un mot : respect.
J’ai lu tout ce tu a écrit. Peut-être que c’est parce que tu es le premier PUA (ndlr : Pick-Up Artist, en anglais) que je lis, que les autres sont encore meilleurs, mais je suis sous le charme. Je te trouve… (mot entre extra, super, génial, cool, etc.)
Quand je lis tes rencontres, il y a deux choses qui me viennent à l’esprit. La première, c’est que tu es cultivé, le deuxième, c’est que tu mènes tes discutions de manière… couillue. Quand je lis certaines de tes répliques, j’ai un sentiment d’admiration : de temps à autres, je me dit que je n’aurais jamais osé, que c’est très fort, que c’est… admirable, finement joué, osé sans l’être trop, suggestif, … Et la plupart du temps, je me dis surtout que jamais je n’aurais réussi à commencer à penser à entrevoir les prémices de la réplique. Alors de là à la sortir du tac au tac… je suis soufflé.
Oui, un PUA respecte les femmes, mais d’un autre côté, il ne s’engage jamais émotionnellement parlant. Pourtant, tu dois le ressentir aussi, il y a sûrement une fille qui te fait craquer plus que les autres, certaines où bien que tu te sois entraîné des dizaines de fois avant, où tu ressens plus le « trac » que d’autres, où tu as plus envie que ça marche.
Peut-on être heureux en aillant conscience du monde qui nous entoure ? Peux-tu être heureux si tu sais exactement par quels mécanismes la fille à côté de toi est passée pour en arriver à l’instant présent ? Il n’y a plus d’illusion ni de charme… Pour elle, peut-être. Elle ne se pose pas vraiment la question, elle agit un peu par instinct. Mais pour toi… Toi qui connais toute la machinerie… Apprécies-tu vraiment ce moment? Peux-tu l’apprécier? Pas en étant PUA. En tout cas, je ne le conçois pas.
(la lettre était bien plus longue mais je me suis permis de la couper ~ Stéphane)
Bonjour,
Je ne publie généralement pas les lettres d’éloges (au besoin, je les chuinte dans les autres), mais la tienne a l’avantage de mettre le doigt sur 4 notions fondamentales dans l’interprétation, or l’interprétation est un art qui, avec le jeu et la richesse intérieure, est l’essence du séducteur.
L’audace
L’audace a du pouvoir, l’audace a du génie, l’audace a de la magie. (Goethe)
Observe un canard nager sur un lac. De dehors il glisse à la surface sans efforts ; mais sous l’eau, ses pattes s’agitent furieusement, et sous ses plumes, il transpire. Quand tu as l’impression que je prononce une réplique couillue, c’est bien souvent vraie, elle l’est. Mais est-ce que ça veut dire qu’à l’intérieur je puisse toujours rester aussi froid que la trompette de Miles Davis un soir d’hiver ? Bien sûr que non. Même après 10 ans de pratique, il m’est arrivé de laisser passer des occasions sublimes, lorsque ni la chance, ni le mojo ni la configuration n’étaient de mon côté. Je peste, j’enrage, j’appelle mes amis séducteurs pour qu’ils m’engueulent, mais rien n’y fait, et comme disait Nietzsche, à presque 30 ans on est toujours un débutant.
Ceci étant, sans audace, je serais peut-être encore avec Marion, la petite brune coupée au bol qui, en 6ème, pendant le cours de géographie, m’écrivait des mots d’amour. On dit que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. C’est faux, les secrétaires et les ouvriers se lèvent tôt sans que rien d’autre ne leur appartienne que leur misère. Couche toi très tard, mais montre de l’audace.
La pensée
Tu me parles, je t’écoute, je te réponds
C’est la réponse de Charles Dullin à la question : « qu’est-ce que jouer la comédie ». Magnifique de dépouillement et de simplicité, eut-elle mentionné « … j’en pense quelque chose… » qu’elle eut été parfaite. Tu as l’impression que je réponds au tacotac mais si tu pouvais l’entendre il y a souvent entre les phrases et celles de ma cible un infime silence, le temps d’un inspiration, pendant lequel je traduits en mots la sensation que je ressens.
Il faut penser ses sensations (Louis Jouvet)
L’arme secrète de tous les orateurs se trouve dans les temps qu’ils prennent avant les mots. Faire attendre son interlocuteur, c’est s’accorder de la liberté. Quiconque accroît sa liberté accroît son pouvoir. Et le pouvoir, c’est l’attraction.
L’angoisse
Il ne faut pas confondre la décharge d’adrénaline qui se produit dans votre corps, qui prend son origine dans la sélection naturelle et les risques d’approcher l’autre, et l’angoisse.
Quand je marchais vers le premier rendez-vous avec ma relation longue*, rendez-vous pour lequel j’avais spécialement pris l’avion vers un autre pays, je sentais évidemment la décharge régulière d’adrénaline dans mes veines et dans mon ventre, mais pas d’angoisse. Oh n’allez pas croire que c’est parce que j’étais prêt à zapper aussi facilement. Ce rendez-vous était l’un de ceux qui me tenaient le plus à cœur, au contraire. Mais c’est là, sous la lumière, que les nuits d’entraînement se diffusent soudain lentement en toi pour te faire oublier la « machinerie » dont tu parles.
I run on the road, long before I dance under the lights. (Muhammad Ali)
Le lâcher prise
Ce n’est pas lors du concert que le pianiste se demande ou placer son pouce, c’est 20 ans auparavant, lorsqu’il fait seul ses gammes dans sa chambre. Un jour viendra où tu oublieras ta technique, ce qui ne veux pas dire que tu l’ignoreras et tu auras atteint le fameux « lâcher prise » d’Aragon, l’étape ultime de l’art, celle qui consiste à gommer toute trace d’art (au sens de travail). Alors seulement les règles – que tu trouvais restrictives – deviendront des appuis pour voir plus haut et plus loin. Tu prendras mes conseils – que tu trouvais trop durs – et tu en feras le pont qui t’évitera des torrents de désillusions.
Un corset serre, mais c’est lui qui te tient droit. La véritable liberté se trouve au milieu des contraintes, et ce n’est que dans les chaînes qu’il est vraiment beau de danser.
Stéphane
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