Avant de parler des statistiques sur les accidents, je voudrais expliquer un point sur leur traitement. J’ai été confronté au traitement de l’information statistique par les sociologues. La sociologie est un peu un exomonde qui ne se considère ni comme des littéraires ni des scientifiques. Les sociologues se retrouvent à manier de la donnée quantitative comme une poule manie un couteau sans le background scientifique permettant de vérifier la véracité d’une assertion. Ils gobent les statistiques, comme ça vient, en les prenant pour argent comptant. Cela permet de mieux comprendre la sphère mentale de cette communauté qui estime ne pas avoir à vérifier les chiffres comme si on essentialisait que les chiffres n’étaient pas le produit de calculs faits par des hommes qui ont toujours un but à démontrer quelque chose.
Statistiques sur les accidents : les hommes plus dangereux que les femmes ?
Comment analyser des statistiques ?
Entretien avec Mathieu de Londres, statisticien qui réagit au thème des « biais statistiques » en prenant exemple sur des statistiques sur les accidents.
Mathieu : C’est triste de prendre pour argent comptant les statistiques, car il y a plein de choses à comprendre : les biais, les probabilités conditionnelles, la marge d’erreur peut et doit être critiquée. Aujourd’hui, nous allons parler des chiffres de la Sécurité Routière. J’ai voulu faire cette vidéo car j’ai vu, il y a 1 an ou 2, une pub de la Sécurité Routière par le gouvernement, qui disait que : « les hommes sont plus dangereux sur la route« . Ils essayaient de prouver cette assertion avec une simple statistique qui disait que « 75 % des morts sur la route sont des hommes ». A partir de ce de genre de statistiques sur les accidents, on en conclue que les hommes sont les plus dangereux !
Peut-on vraiment conclure, d’après ce chiffre, que les hommes sont plus dangereux que les femmes sur la route? Après quelques recherches, j’ai compris qu’il y avait un biais statistique qui a été soigneusement occulté par cette campagne et qui prouve le contraire. Un Biais Statistique est une information que l’on va occulter et qui va faire dire à cette info partielle des choses qui sont le contraire de la réalité.
Stéphane : C’est la non prise en compte, volontaire, ou pas, d’un des paramètres de l’équation globale.
M : C’est très dur, car il y a beaucoup de paramètres à considérer, mais il faut constamment critiquer l’information.
S : Exemple de biais statistique, le 28 % d’inégalités salariales structurelles. 28 % qui se réduit à la marge d’erreur quand on prend en compte que la plupart des femmes travaillent à temps partiel, qu’elles ne sont pas sur les mêmes secteurs, qu’elles réclament moins d’augmentations …
M : Le biais statistique pour la Sécurité Routière est à peu près le même. Par rapport à l’image de post prod, ce que montrent les statistiques sur les accidents de la Sécurité Routière est assez rigolo. On voit qu’en France on est dans une propagande. Le texte dit : « nous pouvons renoncer au vieux jeu de rôle qui voudrait que les hommes soient conquérants et les femmes accommodantes. Refusons de nous accommoder. Nous ferons la route plus sûre, pour nous, pour eux, les hommes que nous aimons. » C’est gentil, qu’elles soient célibataires ou en couple, elles disent » nous on aime les hommes « , donc on veut faire de la sentimentalité à marche forcée (tout est un problème d’amour et de protection du foyer). Ce qui est amusant c’est que s’il y a plus de femmes qui roulent sur la route, statistiquement et avec les données du problème que j’ai, je calcule 17 % de « chance » de plus d’avoir un accident sur la route.
17 % de plus pour les femmes !
M : Je vais expliquer d’où ça vient. Je reviens sur les statistiques sur les accidents de la Sécurité Routière : 75 % de morts sur la route sont des hommes. On ne le remet pas en cause, c’est vrai. Le fait que parmi tous les conducteurs qui sont la cause d’accidents , il y ait plus d’hommes que de femmes, c’est vrai aussi. Ce qu’il faut comprendre et qui n’a pas été pris en compte dans ces statistiques sur les accidents , c’est le temps que les hommes passent sur la route par rapport aux femmes. C’est que ça change tout ! Ce qui est bizarre, c’est qu’en France on n’a pas cette statistique du temps passé sur la route, les kilomètres roulés par les hommes ou par les femmes. Je ne l’ai pas trouvée. Il y a une étude aux Etats-Unis (qui font des stat. sur tout) qui dit que les hommes causent 6 millions d’accidents contre 4,4 millions pour les femmes. Donc les hommes causent plus d’accidents, seulement à la fin, on explique que les hommes conduisent en tout 1730 milliards de miles par an contre 1070 milliards pour les femmes. Le biais statistique qui n’a pas été pris en compte par notre chère Sécurité Routière, c’est que pour voir qui a le plus de risque, il ne faut pas dire que 75 % des accidents sont causés par les hommes. Ce qu’il faut dire c’est que si je suis un homme, combien d’hommes ont d’accidents et combien font-ils de miles par an. Quand on fait la bonne division, on arrive à ce chiffre: pour les hommes il y a 3,5 accidents tous les millions de miles et pour les femmes il y a 4,1 accidents tous les millions de miles.
S : Sur la base des statistiques sur les accidents de la route américaines de 2017, par une simple règle de 3, on arrive au résultat que l’homme est à l’origine de 3,5 accidents /millions de miles et la femme 4,1. Cela s’appelle remettre dans l’équation, remettre au cœur du problème, le paramètre le plus important. Il est malhonnête, pour ne pas dire manipulateur de comparer des chiffres bruts d’accidentologie sans les rapporter au temps présent sur les routes et au nombre de kilomètres parcourus, en occultant l’aspect le plus important de l’équation !
M : Donc ce biais identifié, on le remet dans l’équation et on tombe sur des chiffres différents. Cela donne 17 % de plus lorsqu’on est une femme, d’avoir un accident. Pour ne pas affoler les femmes, et les féministes, n’oublions pas que les statistiques sont des moyennes. Si une femme a son permis de conduire depuis 20 ans et a pris des cours de Formule 1, évidemment, elle sera plus safe qu’un homme sans expérience qui vient d’avoir son permis.
Accidents H/F : mêmes situations ?
S : Ce qui serait très intéressant, c’est d’aller dans le détail des conditions de l’accident. Mon hypothèse est que les accidents ne sont pas créés dans les mêmes situations. Je suppose, puisque les statistiques de l’accidentologie en France sont incomplètes, je parie (démontrez-moi que j’ai tort) que les hommes sont plus impliqués dans des accidents de types « refus de priorité » en ville et pour les accidents péri-urbains, de type « perte de contrôle » du véhicule pour vitesse excessive. Je suis persuadé que les femmes sont moins impliquées dans des pertes de contrôle pour vitesse excessive et plus dans des situations de chaos, de trafic extrêmement dense, de priorités ou de rond-points complexes, de croisements complexes, de sens interdits mal signalés, de conditions changeantes de conditions météo type neige ou verglas. J’ai remarqué que les femmes ont tendance à beaucoup moins modifier leur rythme et façon de conduire en fonction des éléments (nappe de brouillard, pluies …) sous prétexte qu’étant sous la vitesse de sécurité autorisée, elles sont safe.
M : Un article du Daily Mail, reprend une étude de l’Université du Michigan qui arrive à cette conclusion que les femmes ont plus d’accidents dans les jonctions que les hommes.
S : Cela s’explique par la capacité décisionnelle. La façon dont elles prennent leurs décisions est plus par une superposition de règles de priorités. Les hommes prennent plus leurs décisions en fonction des stimuli et des réactions des autres. Par exemple, l’eye-contact au volant, c’est-à-dire la capacité à regarder ce que l’autre s’apprête à faire non pas en regardant son véhicule mais en regardant ses yeux . Si l’eye-contact était plus utilisé, il y aurait moins d’accidents. Mais il n’est pas assez utilisé par les hommes et quasiment jamais par les femmes.
Psychologie du « bon élève »
S : Il y a une espèce de séquence causale où les femmes, statistiquement, pensent qu’éviter l’accident, c’est se conformer à un certain nombre de règles. Donc je suis quasiment certain qu’il y a moins d’accidents liés à l’excès de vitesse, car elles ressentent plus l’inconfort d’enfreindre une règle volontairement et consciemment. Par contre, cette absence de capacité à remettre en cause la règle, va leur être néfaste quand le contexte devient compliqué et que le bon sens et la décision devraient prévaloir. J’ai remarqué à d’innombrables reprises que lorsque l’on doit laisser passer un véhicule d’urgence et que l’on se doit d’enfreindre la loi, comme passer à un feu rouge, l’homme a plus rapidement tendance à enfreindre le feu rouge que la femme. La femme a plus tendance à buguer à l’idée de griller le feu. C’est la psychologie du « bon élève », c’est-à-dire appliquer méticuleusement sans les remettre en question et sans y réfléchir un ensemble de règles pensées, conçues, écrites par d’autres que moi, car cet autorité externe à la fois autorisée et validée m’a dit que c’était la clé de la sécurité et de celle de mes proches. Alors que l’homme latin sera plus enclin (il suffit de conduire à Naples qui est un enfer sur terre pour s’en rendre compte) à prendre le signal comme une information et pas comme une injonction et surtout pas comme un ordre.
Merci pour ces analyses, Mathieu, qui te paraissent sans doute évidentes, une règle de 3, on apprend ça en CM2, mais 80% de la population n’est pas capable de contextualiser les chiffres comme nous l’avons fait aujourd’hui.
M: C’est dommage car cela nous apprendrait à critiquer un peu mieux tout ce qui se passe autour de nous.
S: Justement, ce n’est pas dans le système féminin de critiquer et de remettre en cause le système ! C’est pour ça qu’elles sont sous-représentées dans la dissidence et dans les partis politiques type Frexit et compagnie, cf mon analyse sur l’UPR.
Merci Londres , ici Rome !
Propos rapportés par Laure G.
Sources :
- le chiffre des 75 % sur le site de la sécurité routière : http://www.securite-routiere.gouv.fr/…
- les statistiques américaines par sexe : https://www.trafficsafetystore.com/bl…
- l’article du DailyMail sur les accidents aux croisements : http://www.dailymail.co.uk/sciencetec… – https://www.theguardian.com/uk/2010/m…
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Petits compléments, pour ceux que ça intéresse :
les femmes font plus de kilomètres sur des parcours proches du domicile. La majorité des tués a lieu sur ces parcours… elles sont donc en moyenne, plus exposées à l’accident grave que l’homme. Plus exposées, ne veut pas dire victime… bref, un bon point pour elle.
Chaque année, il y a quasiment autant de femmes que d’hommes qui ont le permis… (et ce, depuis environ 10-15 ans maintenant)
Enfin, les assureurs connaissent très bien le problème, si elles parcourent moins de kilomètres, c’est vrai, leur risque d’accident est sans commune mesure, très largement inférieur à kilométrage égal… s’ils égalisent les primes, c’est à cause de l’Europe qui les oblige à ne pas faire de discrimination… parité parité, quand tu nous tiens…
Evidemment, ça va un peu au delà de la règle de 3, et, évidemment, ce ne sont pas des statistiques américaines… peut-on raisonnablement comparer l’américain moyen sur la route et le français moyen, et en déduire un discours, et dire, « contextualiser les chiffres » ? C’est une mise en abîme d’une profondeur étonnante… et que je ne soupçonnais pas moi-même… et ensuite parler d’honnêteté intellectuelle ?
Qui a dit « Comparaison, n’est pas raison ? » Mais évidemment, 80% de la société française n’est pas capable de raisonner, c’est d’une telle évidence, qu’aucune source statistique n’est nécessaire pour appuyer ce discours… juste pour mon éducation personnelle, vous tenez ça d’où ? En dehors de la notion de QI bien sûr…
Regarder la réalité est difficile. On ne trouve que ce que l’on cherche… paraît-il… mais, évidemment, si j’en appelle à Freud, que devient l’honnêteté intellectuelle ? On parle dans cet article de biais statistiques, parlons alors joyeusement des biais psychologiques qui sont, eux, très nombreux… et passionnants d’ailleurs… enfin, pour ceux que ça intéresse bien sûr…
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/01/10/en-finir-avec-les-cliches-sur-les-femmes-au-volant_5239896_4355770.html
@ RD :
Vous n’avez pas lu l’article ? Aucune donnée statistique en France ne compare le nombre de KILOMÈTRES parcourus !
47% du trafic c’est très bien tout ça , mais c’est ‘e dis pas la distance parcourue.
Si dans ton couple vous avez tout les deux le permis , que tu es chauffeur poids lourd et ton conjoint banquier , il y a plus de chance que celui qui conduit les camions soit victime d’un accident (conduisant plus) , c’est pourtant simple à comprendre.
Étude américaine citée par l’auteur :
Hommes : 1700 milliards de miles
Femmes : 1000 milliards.
Regarde qui fait les longs juste trajets lors des départs en vacances , met toi du côté passager et observe.
La prise de risques et l’exposition au danger sont davantages du côté de l’homme.
Les femmes sont plus impliquées dans les accidents urbains (priorités) , les hommes sur les nationales et autoroutes (excès de vitesses , alcoolémie).
Effectivement, on ne tient pas compte du temps passé sur la route. Mais des femmes chauffeurs de bus ou commerciales, ce n’est tout de même pas si exceptionnel que ça. En ce qui me concerne et par mon petit trou de la lorgnette, je peux affirmer qu’une voiture avec un « A », conduite par un jeune mâle et pleine à craquer de congénères de ce dernier a une fâcheuse tendance à conduire de manière dangereuse et inconsidérée. A croire qu’avant l’accident (et peut-être encore après), le mâle a toute confiance en ses capacités et sa bonne étoile. La faute aux jeux vidéo ?
une étude sofres en 2012 avance que les femmes représentent 47% du trafic (Source TNS Sofres, Parc Auto 2012). Ce qui rend complètement nul tous les arguments de cet article. C’est bien joli de moraliser avec la règle de 3, mais l’honnéteté intellectuelle va un peu plus loin que cela.