Appelé (à tort, nous verrons pourquoi) symposion (« boire avec ») en grec, et convivium en latin, le banquet gréco-romain constitue un repas qui sort de l’ordinaire par ses dimensions logistiques (nombre de convives, quantité de mets et de vins), mais surtout par ses dimensions socialereligieuse et politique. Autant de raisons de s’y intéresser sur un site visant à toujours mieux comprendre les relations sociales, c’est à dire à les replacer en perspective historique.

Aux origines du banquet gréco-romain

Les contextes du banquet

Aujourd’hui uniquement associé à sa dimension sociale, de débauche voire de luxure, le banquet gréco-romain ne se comprend qu’inséré dans un triple contexte dont il ne peut être extrait

  1. le culte, qui exigeait un sacrifice sanglant (le plus souvent, un bovin)
  2. la commensalité militaire, civique et politique
  3. la convivialité autour d’un plat commun qui doit contraster avec le drame venant de se dérouler

Le rôle historique de Prométhée

Le banquet de l’antiquité, tel que nous le concevons aujourd’hui, doit sa forme et son protocole à Prométhée. C’est ce titan favorable aux hommes qui, le premier, rompit la commensalité entre hommes et dieux :

  • le sacrifice pré-prométhéen était un repas partagé par les dieux et les hommes
  • le sacrifice prométhéen préfigure le banquet traditionnel du monde gréco-romain : les hommes mangent, les dieux hument les fumets de la cuisson et des aromates, voire se contentent des os

La manière de se nourrir structure l’humanité

en désignant sa place dans la nature :

  1. Tout en bas, les animaux qui se livrent à une chasse sauvage et ignorent le sacrifice
  2. Tout en haut, les dieux qui « banquettent » (dînent allongés) en s’accommodant de nourritures plus éthérées

Le déroulement d’un banquet gréco-romain

Dans la religion gréco-romaine, le sacrifice est composé de deux moments principaux :

  1. l’immolation proprement dite, où l’on répand de la farine sur l’animal consacré juste avant sa mise à mort
  2. la crémation des parties de l’offrande (l’animal) réservées aux dieux (plus rarement, l’animal était entièrement brûlé, c’est la naissance du concept d’holocauste)
  3. la consommation des quartiers nobles par les hommes au cours du banquet

On banquette dans le triclinium (à Rome) – le triklinon en Grec -, salles à manger équipées de lits à trois places disposé en pi autour de la table centrale. Les convives sont accoudés à gauche. Les femmes et les enfants sont assis au pied des lits ou sur des tabourets.

Que mangeait/buvait-on à un banquet gréco-romain ?

Primo, il est important de comprendre qu’un banquet était décomposé en deux parties :

  1. le repas (deipnon), constitué d’une distribution de plats plus ou moins sophistiqués selon le concept : viande rôtie ou bouillie dans des chaudrons de bronze, sauce relevée, galettes de pain, fromages et friandises à base de fruits
  2. auquel succédait le vin, ou plutôt la boisson fermentée, agrémentée d’épices (voire de fromage de brebis) et coupée à l’eau. Vin lié à Dionysos / Bacchus qui autorisait le partage euphorique de plaisirs intellectuels et/ou érotiques

Il est intéressant de noter que la consommation du vin pur, telle que nous la concevons aujourd’hui, était à l’époque réservée aux barbares (fiche de lecture à venir : les barbares, Alessandro Barrico). Acheté dans des amphores, le vin était coupé à l’eau dans des proportions importantes (plus de 50% d’eau). Mélangé réalisé dans des cratères.

Et les femmes ?

Le banquet antique est une institution très masculine, que ne rejoignaient que les servantes et les hétaïres (prostituées). Il existait pourtant, dans le monde grec, des formes de banquet féminins ritualisés et scénarisés, les thesmophories

« Les participantes, accompagnées de leurs nourrissons, campent sous des tentes et composent une sorte de village féminin provisoire sur le lieu emblématique de la politique au masculin (…) Seules les épouses des citoyens sont autorisées à participer »

La fonction symbolique du banquet gréco-romain

Souder la communauté

Sacrifier, c’est d’abord s’autoriser à tuer sans faute ni culpabilité, pour le bien de l’ensemble de la communauté représentée par le prêtre et toute l’assistance.

Lutter contre le relâchement des moeurs

Si, aujourd’hui, l’imaginaire collectif associe banquet à l’ivresse et à la consommation débridée de chairs en tous genres, brouillant ainsi la frontière entre l’humain et le divin dans un vague Païen orgiaque, ce type de rite sauvage est en réalité un anti banquet.  Non seulement le banquet est par essence procédurier, méthodique dans le sacrifice, mais à Sparte la participation au repas commun est une obligation constitutionnelle marquée par l’austérité et la volonté de contrôler le comportement des membres combattants de la société. Le législateur, Lycurge, trouvant que les spartiates prenaient trop fréquemment leurs repas dans leurs demeures et y voyant une cause du relâchement général, transporta sous les yeux de tous les repas devenus communs, car il estimait que

« de la sorte (ie en fixant une quantité de nourriture qui ne fût ni excessive ni trop restreinte), il serait impossible de transgresser les prescriptions » (République des lacédémoniens, 5)

S’affranchir provisoirement des frontières

Ainsi domestiquée par les règles et le regard des autres participants, la puissance dionysiaque du vin servi lors des banquets permettait, à l’instar du dialogue socratique, à l’individu de s’affranchir momentanément et sans trop de risques des convenances de la vie quotidienne, de toucher au divin, de gommer provisoirement les frontières morales ou ontologiques qui structuraient les sociétés anciennes.

La naissance de l’esprit civique

La fonction symbolique du banquet n’est pas uniquement la prise de conscience par l’homme d’appartenir à une communauté : en rapprochant les convives, le banquet les sépare surtout des dieux. Et c’est la disparition de cette forme de commensalité, la « fin de l’âge d’or » qui marque la naissance de l’esprit civique. De ce point de vue, le banquet est une pratique qui marque la place de l’homme dans le cosmos grec, le monde tel qu’il est et qu’il doit être. Le banquet humain signe l’émancipation de l’homme, la liberté, le risque de la chute, le danger. Il l’est l’une des formes les plus antiques du bonheur.

Stéphane

Source : Le banquet, plaisirs et jeux de pouvoir de Marseille à Rome, ouvrage publié à l’occasion de l’exposition éponyme au Musée d’Archéologie Méditerranéenne du 3 décembre 2016 au 21 juin 2017. Réalisé sous la direction éditoriale de Lienart éditions.


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2 commentaires

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  • On retrouve souvent dans l’antiquité, ce concept de permettre, à certains moments de l’année et sous des procédures méthodiques, aux hommes de dépasser temporairement les limites fixées par la communauté.
    Je ne sais plus si c’était toi ou un autre qui racontait qu’au moyen age, il y avait 2 jours dans l’année, correspondant aux moissons et aux vendanges, où l’adultère était autorisé !

    C’est toujours intéressant de voir comment les hommes faisaient pour canaliser leur propre animalité comme dirait Fred, pour apaiser les tensions de la vie commune.

  • Le sacrifice est ainsi, si je comprends, une forme de négociation avec les dieux qui fichent la paix aux hommes en échange d’une bète abattue pour eux. Le banquet est la consomation de cette communion entres hommes affranchis de leur conscience des dieux (ou de la prise de leur conscience en hôtage par les esprits).