Vos soirées, rendez-vous, aventures, etc.

Modérateurs: animal, Léo

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By Stéphane
#116786 [quote]«Ses yeux étaient comme deux lacs tranquilles»
Montherlant, La reine morte, A. 3, sc. 7, p. 145

[size=150]Introduction : le passé comme poison[/size]

[img]http://img690.imageshack.us/img690/9574/commedeuxlacstranquille.jpg[/img]

Je hais les professeurs de français. A différents degrés, il émane toujours d’eux - même chez les plus brillants - une indéfectible odeur de raté. Mme Jobert, avec sa tête de chèvre et ses mollets de cheval. Mme Potron, bourgeoise déclassée et apprêtée dont le prénom devait laisser plus d'empreinte en boite échangiste qu’en salle des professeurs. Mme Folio, qui n’avait pas besoin de Moravia pour inspirer à la fois l’ennui et le mépris. Ma belle-mère également faisait partie du clan, veule et neutre comme un dictionnaire sur son étagère. Et puis tout de même, Mme Herrero. Ou Herrera. Ou Ferrera. Enfin je ne sais plus son nom car c’était la plus gentille (ce sont toujours eux qu’on se rappelle le moins), avec son ventre rond et ses ongles corrodés d’angoisse qui ne laissaient planer aucun doute sur sa nature profonde de mère de famille.

Mais revenons un instant à Mme Jobert. On la sentait jouir d’arpenter les rangées tout l’après-midi, répandant la terreur derrière nos nuques comme une maniaque (selon des directions aléatoires ce qui, vu par un observateur imaginaire situé au dessus, devait ressembler à s’y méprendre à une partie de pac-man - où le monstre serait aussi le personnage principal). Un jour, naquit en son esprit une brillante idée de question, qui ne m’a pas quitté depuis : «Edouard, à quoi reconnaît-on que cet extrait (de texte) est au passé ?» A peine eut-elle fini ces mots que mes yeux retournaient chaque mot, chaque lettre, à la recherche de l’indice dont ma micro-enquête avait besoin. Faute de preuves irréfutables, je m’attachai à remonter depuis les profondeurs du récit des éléments psychologiques attestant que la relation qui liait les personnages avait fatalement dû s’achever, étant donné les mots qu’ils employaient aujourd’hui à l’égard de l’un et de l’autre.

Aujourd’hui encore je me souviens que ma réponse était loin d’être ridicule, et elle l’était d’autant moins si l’on tient compte de l’âge des protagonistes : une cinquantaine d’années contre... dix. Mais non, la chèvre avait décidé que j’étais «décevant» et avait sciemment attendu la toute fin de ma réponse pour la balayer d’un revers de cette grande règle qu’elle n’avait pourtant jamais tenue mais dont on aurait presque deviné l’ombre noire flotter sur les pans de sa blouse blanche. «Non Edouard - asséna t-elle avec une incompréhensible fierté - le texte est au passé parce que les verbes sont au passé !». Puis ce fût un monologue sur l’emploi de l’imparfait dont je n’écoutai pas un mot, occupé que j’étais à me demander lequel de nous deux était vraiment trop idiot.

20 ans plus tard je chine toujours les histoires de relations en quête d’indices psychologiques nichés sous les mots, comme les scorpions du désert dormant à l’ombre des cailloux. Et si j’ai pris l’habitude de ne raconter justement que des rencontres du passé, c’est sans doute pour leur laisser le temps de s'iriser de ce vernis nacré, et de composer mes sentiments. Celle-ci fait néanmoins un peu exception à la règle ; en la "ressortant" j'ai l'impression de m'injecter de la morphine dans une veine.

Cette histoire s’étale sur 2 années, 3 pays, et je m'apprête à vous en dire 3 choses : la protagoniste s’appelle Vanessa, elle avait 26 ans quand je l’ai rencontrée, et portait une robe bleu de Prusse.

De ces 3 choses, 2 sont fausses ; mais ça, je ne l’ai su que plus tard. Et maintenant c’est à vous de patienter. Pour le chapitre II.

[size=150]A venir : chapitre II, l’air chaud qui fait monter les ballons[/size]
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By Stéphane
#116820 [size=150]Chapitre II, l’air chaud qui souffle dans les ballons[/size]

[img]http://img718.imageshack.us/img718/3986/toscane.jpg[/img]

J’ignore à quand remonte la fête de la musique et je n’ai pas envie d’aller regarder sur Wikipédia. Nous dirons donc qu’elle a toujours existé, et l’année dernière n’a pas fait exception. Mais voilà, ce 21 juin 2010, comme toutes les journées qui avaient précédé depuis 1 mois environ, ce n’était pas vraiment la mienne, de fête.

Quand on se sépare, le plus dur n’est pas la séparation, c’est la cicatrisation de l’ego. Et les deux semaines dans mon berceau de lumière préféré qu’est la Toscane n’avaient pas suffi à me faire passer ce goût âcre, amer comme une olive trop jeune : le goût la vexation. Que mon ex m’ait menti, soit ; une chose est une chose, écrivait Moravia, alors les gens doivent être ce qu’ils sont et il faut s’abstenir de les juger car on est libre de les quitter. Mais croire que je ne m’en apercevrais pas ? Moi ? Je laisserais plus volontiers quelqu’un tâcher mes costumes que nier mon intelligence. Surtout l’intelligence sensible, celle de la chair et des émotions. Celle qui vous fait passer un petit courant électrique sous la peau lorsqu’on distord la réalité pour vous la rendre plus belle par exemple, mais passons, d'autres l'ont (re)fait depuis.

Moi-même et mon ego enflammé avions donc besoin de prendre l’air pour remonter la pente, à la manière de la montgolfière qui accepte de se laisser porter par les vents pourvu qu’ils l’élèvent un peu. Ca tombait bien, ce soir là l’air était tiède, les parisiens semblaient revêtus d’une bienveillance que je ne leur connais pas d’habitude, c’était le moment ou jamais de recommencer à vivre un peu.

Ingrédients nécessaires : un ami flexible et adaptable à toutes les situations, l’adresse d’une soirée ou au moins un nom de rue, et un deux-roues apte à monter sur les trottoirs. Ca tombe bien, j’avais l’adresse, j'avais l’ami, et l’ami avait la Vespa (oui je sais c’est un scooter mais la Vespa en italien). Ah, et je venais aussi de recevoir d’Amazon une mini caméra Kodak dont je ne voyais pas trop quoi faire hormis les futures vidéos mensuelles. Et là où les ingénieurs Kodak ont été forts, c’est qu’ils l’ont faite aux vraies dimensions d’une poche intérieure. En tous cas de celle de mon blouson en cuir Thierry Mugler. Ces ingénieurs, ils ne manquent pas de ressource quand ils veulent

[youtube]RAv8HdC2dk8[/youtube]

Je n’étais pas pressé d’arriver. La peur de m’être préparé pour finalement me faire chier une fois arrivé, sans doute, et puis la sensation que tout le fun était dans le trajet noctambule. J’avais tort mais je ne le savais pas encore ; pour l’instant les premières minutes me donnaient plutôt raison.

Il y avait des filles partout, mais nulle part une qui me plaisait, ne fût-ce qu’un petit peu. Kundera répartit les hommes sexués en 2 catégories, selon qu’ils nourrissent ou non encore quelques attentes vis à vis des femmes. Ceux qui n’en ont jamais nourri sont qualifiés dans sa démonstration de baiseurs libertins (cf l’insoutenable légèreté de l’être). Ils prennent tout ce qui bouge et aiment tout ce qu’il prennent, et c’est de leur inaptitude à éprouver tout sentiment de déception (et donc de leur inaptitude à la remise en question) que naît leur pathétique. Les autres, ma foi, j’ai oublié comment ils se nommaient, mais en gros c’et moi. Sur la durée, l’avantage suprême de choisir une femme qui vous plaît, c’est que rester fidèle ne réclame pas d’effort particulier : quelle que soit la soirée où vous l’emmenez, vous la trouvez de fait plus belle que les autres. Mais comme, de durée, il n’était pas question, et que de toutes manières aucune ne me plaisait vraiment, j’ai fini par choisir le contraire de mon style. Peut-être par désir inassumé de quelqu'un pour qui je n'éprouverais rien, qui ne saurait pas actionner mes "leviers", pour qui ne naîtrait pas cet amour qui "commence à l'instant où une femme s'inscrit par une parole dans notre mémoire poétique" (Kundera, toujours).

Comme la plupart des estoniennes, Vanessa - que je n’avais pas encore rencontré à ce stade précis du récit - parle peu. Bien, ça faisait donc peu de risque d'entrer par inadvertance dans ma mémoire poétique dans lequel j'étais justement occupé à faire du rangement. Elle était invitée quelques rues plus loin à la soirée improvisée d’un ami italien dans le cadre de la sortie d’un magazine dont je me dis avec le recul qu’il n’y a jamais de hasard et que le titre aurait quand même dû m’alerter : Jalouse. Je n’ai jamais été jaloux, je n’ai pas ce gène. Et c’est justement pour cela que lorsqu’elle a tout fait pour me faire éprouver ce sentiment en dépit de mon ADN qui s’y refusait, j’ai...

Mais là j’avance de 6 mois. Pour l’instant nous en étions à nous frayer un chemin dans les rues du Marais, à coup de sourires et de klaxon ; comme quoi le sourire sert à tout, mieux qu’un couteau suisse, à condition de savoir ne pas l'attendre en retour.

[youtube]gxWlES4cExI[/youtube]

En ôtant mon casque je remarquai que l’air s’était rafraichi. Tant mieux. Si la tiédeur m’avait permis de sortir et d’alléger mon fardeau, la fraîcheur allait sans doute me permettre d’agir moins tendu.

[size=150]A suivre : chapitre III, la délicatesse[/size]
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By Stéphane
#116849 [size=150]Chapitre III, La délicatesse[/size]

[img]http://img528.imageshack.us/img528/1962/seductiondelicatesse.jpg[/img]

J’ignore qui est R.Bresson, mais on lui attribue la phrase suivante :
[quote]Le son dispose d’une puissance d’évocation supérieure à celle de l’image
Alors même s’il ne devait probablement s’agir que d’un débat de cinéphiles (que je ne suis pas) sur le cinéma (où je ne vais pas), il a gagné ma sympathie et niche depuis lors dans un coin de ma tête avec les autres braves types qui pensent comme moi. Avec le recul, je me dis que l’histoire avec Vanessa avait été un film, il ne se serait pas particulièrement distingué par sa bande sonore, hormis peut-être pour enregistrer des records d’insipidité. Non, l’attrait de Vanessa était ailleurs, d’ailleurs nous allons bientôt la rencontrer.

J’avais déjà réussi à sourire, ce qui en juin 2010 était pour moi un effort notable de socialisation, et il parait qu’alors le monde s’arrange pour vous refléter ce que vous lui envoyez. En l'occurrence, question refléter, il ne se débrouillait déjà pas si mal* :

[youtube]BQrnGukPWt4[/youtube]

(* Non, ce n’est pas Vanessa)

J’ai vu dans le journal de ce matin qu’un gosse de 15 ans venait de gravir à pied tous les sommets du monde. C’était à peu près la sensation que nous avons eu en arrimant le scooter à une grille, rue vieille du temple : d’avoir franchi un Everest de gobelets de bière, et d’avoir 15 ans à nouveau en découvrant que le DJ de notre soirée ne jurait que par Snoop Doggy Dog. Rien que pour ça, ça valait le déplacement.

L’ami italien qui nous avait invité se prénomme Vincenzo. Malgré sa petite taille, le retrouver au milieu d’une soirée ne présente pas de réelle difficulté : il est toujours entre deux femmes, généralement plus grandes que lui, blondes, avec des talons plus longs que leur sac à main. Nous dirons donc qu’il était une fois de plus ce soir là avec du beau linge, même si j’ai compris il y a belle lurette que le beau linge n’était pas toujours le plus propre. Pendant que le dj enflammait la rue il faisait son métier à l’intérieur de la boutique voisine dont je vous donnerais bien le nom si je ne l’avais pas oublié (c'est en face de Rose Bakery). Heureusement, il se souvient mieux des prénoms que moi des lieux, et les présentations se faisaient avec la superficielle élégance habituelle. Une grande Romaine décolorée en robe blanche qui sentait l’argent et la cocaïne, un ou deux argentiers insignifiants qui serraient les rangs, une anorexique apeurée qui flageolait sur ses jambes dont la conversation ressemblait à un long gargouillis de famine. J’ai dû être violemment grossier en lui tournant le dos comme cela, mais au Diable les manières : j’ai horreur des anorexiques, elles me terrorisent, j’ai mal pour elle, c’est physiquement insupportable, je dois immédiatement me retourner et penser à autre chose pour ne pas subir les visions d’horreur de leur corps squelettique. Que j’en ai fréquenté une amoureusement à l’âge de 21 ans, et passé 3 mois à tenter de lui faire avaler un yogourt liégeois a peut-être à voir avec cela, docteur Freud, mais c’est une autre histoire. L’histoire du jour a une protagoniste, avec laquelle je suis tombé nez à nez en faisant volte face pendant que retentissait à côté de nous** :

[youtube]3vguN0KRlXI[/youtube]

(** ne cherchez pas, Vanessa n'apparait pas)

Je vous ai menti tout à l’heure en vous disant que Vanessa n’avait rien de mon style. Certes, c’était vrai pour ses cheveux, longs et noirs alors (j’ai toujours l’impression, devant une grande crinière lisse, que les cheveux sont dévitalisés et pendent dans le vide, raides comme la mort ; je les aime plus courts, car seuls les cheveux plus courts ont du mouvement et le mouvement c’est la vie). C’était aussi vrai pour son parfum. J’aime la discrète petite odeur du lait sur la peau ; elle exhalait la sauge, le safran, le néroli, la mandarine, la bergamote (bon d’accord, d'accord, je suis en train de recopier les ingrédients d’un flacon de parfum là ; je ne sais plus ce qu’elle sentait, mais elle puait le parfum à plein nez). J’aime les filles qui sourient ; elle était aussi avenante que la grille du radiateur d’une Rolls Royce. J’aime les filles aux petits seins qui vous surprennent parfois à venir au rendez-vous sans soutien-gorge ; elle n’aurait jamais pu sortir avec un balancier pareil sans être immédiatement mise sous scellé toute entière pour outrage aux bonnes moeurs. Mais je crois que l’antinomie entre elle et mes goûts atteignait son pic avec sa manière de vous regarder : je me fous qu’une fille ait les yeux de Sailor Moon ou des millions de cils comme dans la publicité L’oréal, je veux qu’elle ait un regard intéressant et qui vous traverse ([url=http://www.spikeseduction.com/articles/9355_lifestyle-indispensables-hiver-011-012.html]exemple[/url]) ; les siens étaient grands ouverts, bleus, et surtout totalement et exactement immobiles. Ils semblaient passifs à tout ce qui se reflétait à leur surface lisse : c'était deux lacs tranquilles qui regardaient ni vous ni derrière vous mais l’air entre vous. Mais on peut vous glacer sans pour autant vous laisser de glace, et je crois que c’était en train de se produire. Car j’ai omis un détail dans ma description. Un tout petit détail qui change tout et qui m’a donné envie d’approfondir : la délicatesse.

En [url=http://www.spikeseduction.com/forum/la-topic-de-la-photographie-vt4008.html]photographie[/url], on eut dit que cette fille était le négatif de ma dernière relation que je jugeais - avant le début des mensonges tout du moins - divine. Mais tout ce qui appartient à Dieu peut aussi appartenir au Diable (Kundera, La plaisanterie), et qu’est-ce qui, mieux que la délicatesse, descend tout droit de la Création ? Vanessa, par la délicatesse de ses attentions, de ses surprises et de ses cadeaux, allait s’introduire par effraction dans les mois qui suivirent au creux de ma mémoire poétique (voir chapitre II). Finalement, j’avais raison, on ne change pas et moi non plus.

Dans le prochain chapitre je vous raconterai ce que je lui ai dit pour la revoir, parce que je sais que c'est désormais l'unique chose que vous attendez, espèces d'obsédés des "techniques de séduction" (Google, si tu nous vois...)

[size=150]A venir, chapitre IV : Proche des yeux loin du coeur[/size]
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By roland
#116858 Stéphane a dit : "Dans le prochain chapitre je vous dirai ce que je lui ai dit pour la revoir, parce que je sais que c'est désormais l'unique chose que vous attendez, espèces d'obsédés des "techniques de séduction" (Google, si tu nous vois...)

Même pas vrai.
La beauté du texte m'a attiré comme l'odeur du caramel chaud les mouflets dans une confiserie.
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By Reploid
#116873 Ce garçon est une usine à citations. Et l'incroyable, c'est que contrairement à la plupart des usines, il les utilise toujours au bon moment :D
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By Miami Vince
#116880 Cela fait quelques dizaines de mois que je ne m' intéresse plus aux techniques de séduction et je ne dois absolument pas me disperser vu que ça fait une dizaine de jours que je n'ai rien publié sur mon Blog. Pourtant, Stéphane, j'ai pris quelques minutes pour lire le début de ton histoire et comme d' habitude, j'ai été obligé de lire l'intégralité des 3 premiers chapitres.

Ton écriture est toujours aussi fine, amusante et subtile à la fois et à défaut de techniques de séduction, c'est peut-être avec des techniques d'écriture que je repartirai de la partie FR de ton forum.

PS : C' est malin, je suis à présent impatient comme un geek de la séduction de connaître les techniques que tu as utilisée pour séduire Vanessa.
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By Stéphane
#116898 Ce qui me surprendra toujours, c'est le nombre de [url=http://www.spikeseduction.com/homme-ideal-seduire-la-femme-qui-vous-plait]livres[/url] et [url=http://www.spikeseduction.com/produits-seduction-relooking/you-can-always-get-what-you-want]d'ebooks[/url] commandés dans les heures qui suivent la publication d'un FR.

Ca n'arrête plus :)
By archie
#116900 [quote="inis"]S'il y a une chose insupportable, c'est l'attente! :)
+1

Hâte de lire la suite, c'est vraiment un plaisir.
La saga sur la génèse de l'homme idéal était plus lifestyle, réflexions masculines sur les projets et leur achèvement, le dépassement de soi.
Là, c'est à nouveau l'immersion dans tes soirées, avec tes analyses qui démasquent les gens et les situations et plein de zooms croustillants.
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By roland
#116931 [quote="Stéphane"]Ce qui me surprendra toujours, c'est le nombre de [url=http://www.spikeseduction.com/homme-ideal-seduire-la-femme-qui-vous-plait]livres[/url] et [url=http://www.spikeseduction.com/produits-seduction-relooking/you-can-always-get-what-you-want]d'ebooks[/url] commandés dans les heures qui suivent la publication d'un FR.

Ca n'arrête plus :)

Avoue que c'était prémédité :mrgreen:
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By Stéphane
#116932 [size=150]Chapitre IV : Proche des yeux, loin du coeur[/size]

[img]http://img215.imageshack.us/img215/6200/tumblrlwhl8ezqpo1qkou6r.png[/img]

La vitrine de la boutique, inquiétante avec ses armatures métalliques qui faisaient penser à des barreaux, mettait néanmoins en sourdine la musique de l’extérieur. A cet instant précis, et en dépit de tout le talent du DJ, j’avoue que cela m’arrangeait beaucoup. A l’intérieur, les murs noir mat donnaient l’impression d’absorber eux aussi leur part de son, aussi in fine n’avais-je plus aucune excuse pour ne rien faire.

[youtube]QMvodkosW2c[/youtube]

Les dialogues que je m’apprête à retranscrire ici étant vieux d’un an et demi, prétendre à une parfaite exactitude serait... parfaitement inexact. Je vais donc rassembler mes souvenirs et m’engager à respecter au plus près l’esprit de ce qui s’est dit. Voyons le bon côté des choses : elle n’a pas dit grand chose, ce qui minimise le risque d’erreur.

Au départ, il y avait cet ami en commun, Vincenzo. Quand il me présente des filles, c’est avec plus ou moins de jovialité selon qu’il est déjà sur le coup. Après plusieurs minutes de badinage avec la bande sans ne fût abordé le sujet de la brunette en robe bleue, je compris qu'il ne fallait pas compter sur lui cette fois-ci. J’étais forcément un peu rouillé, mais coup de bol je connaissais un grand type du genre gourou, qui se fait appeler Spike et prend des fortunes aux gens pour leur expliquer qu’il faut simplement faire rentrer les autres dans sa propre normalité.

[quote]- Pensez-vous que vous seriez une bonne dj-ette ?
- What ?
- Would you be a good dj ? (la suite s’est déroulée en Anglais, je traduis donc) Depuis tout à l’heure j’adore ce qu’il passe mais justement, c’est bien le problème : si j’étais dj, je crois que je ne jouerais que mes 10 morceaux préférés en boucle et ça rendrait tout le monde fou
- No, you should play what people like ! (pardon, j’ai oublié de traduire : «vous devriez jouer ce que veulent les gens !»)
- Ca serait quoi votre nom de scène si vous étiez dj-ette ?
- Hmm
- (à l’oreille) : C’était une façon discrète de te demander ton prénom
- Je m’appelle Vanessa (en français dans le texte)
- Stéphane, nice to meet you.

A ce stade, vous vous dites peut-être que notre conversation devait avoir la décontraction d’une partie de badminton l’été au bord de la mer, mais détrompez-vous : j’étais intérieurement désarçonné par l’inexpressivité parfaite de son visage. Pas qu’il fût dénué d’intelligence, non, une absence d'expressivité si parfaite telle qu’elle en devenait presque, de fait, son propre mode d’expression.

[quote]- Je parie que tout le monde essaie de deviner d’où tu viens
- Oui
- Ai-je une chance si j’essaie ?
- Oui mais c’est compliqué
- Les gens disent quoi généralement ? Russie ?
- Oui

Bêtement, je me mis à énumérer tous les pays de l’ex bloc soviétique que je connaissais, occasion de remarquer que j’en connaissais pas tant que ça. Et bien évidemment, je n’eus jamais le bon. J’étais en train de m’enfermer dans une voie sans issue avec cette histoire de pays d’origine, il n’y a rien de plus chiant que de parler de son pays à un inconnu, comme si les origines vous définissaient avant tout autre chose et que, fort de cette information, il allait enfin pouvoir passer à des sujets intéressants avec le double éclairage de la nature et de la culture. Sans parler des préjugés sur les filles de l’est : toutes salariées d’un club de lapdance avec caméras dans les toilettes, ou bien complètement prostituées. Mais Vanessa, avec sa réserve de petite fille rangée, sa crinière bien domptée et sa robe longue qui la couvrait jusqu’aux pieds, Vanessa ne pouvait gagner sa vie en se déshabillant ou en escortant des hommes. Enfin en tous cas selon moi.

Mais alors que faisait-elle ? Je ne demande généralement pas aux inconnus ce qu’ils font pour gagner leur vie. Soit ils s’ennuient dans un bureau et ils vous en voudront à mort de leur avoir rappelé l’espace d’une soirée, soit c’est plus intéressant mais plus compliqué et vous les mettez dans l’embarras de devoir vous l’expliquer. Une fois n’est pas coutume, sans bien savoir pourquoi, je demandais néanmoins.

[quote]- So what do you do (pardon : dans quoi tu travailles ?)
- Je ne travaille pas
- Ah
- Je suis étudiante, j’apprends le français à la Sorbonne et toi ?

J’ai entendu cette phrase si souvent que je me demande si au moins une étrangère n’a pas encore mis les pieds à la Sorbonne ; si ce n’est pas devenu le repère involontaire de tous les paumés et de toutes les paumées de la terre.

[quote]- Mon métier consiste à parler devant devant des gens
- Pour dire quoi ?

Bonne question, et plus délicate qu’il n’y paraît. D’autant plus que j’étais agacé par la brièveté de ses réponses, et l’absence manifeste d’émotion et d’intérêt dans ses yeux.

[quote]- C’est différent tous les mois. La dernière fois, j’ai raconté ma vie
- Les gens payent pour écouter ta vie ?
- Non, ça c’est seulement les fayots. La fois dont je te parle, je leur ai dit comment [url=http://www.spikeseduction.com/pro/vivez-aimez]vivre de ce qu’on aime[/url]

D’habitude c’est à cet instant précis de la discussion que j’ai droit au regard éberlué. Pas cette fois, ses yeux immobiles se contentaient de me regarder (était-ce moi, d'ailleurs ?) comme ils le faisaient depuis le début, impassibles.

[quote]- Tu as de la chance
- C’est une question ?
- Non, je voulais dire, tu as de la chance. De pouvoir faire ça
- J’aime beaucoup cette sensation. Savoir que quelqu’un s’est levé de bonne heure un samedi, depuis Marseille, Toulouse, la Suisse ou la Belgique, a pris le train avec un bon bouquin pendant des heures, et s’apprête à faire la même chose au retour, juste pour m’écouter leur dire quelque chose. En revanche, mon devoir, mon engagement, ce avec quoi je ne peux rigoler, c’est qu’ils doivent entendre quelque chose qui n’existe pas ailleurs. Ni dans un livre, ni dans un enregistrement, nulle part. C’est une sorte de contrat mutuel, ils me confient leur attention et je leur confie un secret avec lequel ils repartent chez eux (là j’aurais dû dire pour être précis : «et qu’ils décident d’utiliser ou pas», mais cela sonnait mieux de s’arrêter comme cela).

Elle continuait de me regarder avec ses yeux immobiles, sans manifester aucun intérêt particulier, mais sans cesser non plus de s’intéresser à ce que je disais, aussi décidai-je que sa façon de regarder devait peut-être, en soi, constituer un signe d’intérêt secret du temps de l’Union Soviétique, et cette pensée m’excitait beaucoup. Plus qu’elle à vrai dire, qui n’était - je vous l’ai dit - toujours pas mon genre. Attention aux filles qui n’étaient pas votre genre au début, ce sont toujours les plus dangereuses.

Si je me souviens bien, nous avons ensuite parlé de Paris comme ville lumière vs Paris comme ville du hasard, et en l’absence de toute manifestation intelligible et reconnaissable d’intérêt, j’ai proposé que nous prolongions la conversation un jour, au hasard justement. Elle m’a donné un numéro de téléphone français auquel je ne croyais qu’à moitié ainsi que la demi-promesse de se recroiser peut-être plus tard dans la soirée, sur l’autre rive de la Seine.

Conserver ce nom et surtout ce numéro étranger dans mon téléphone pendant quelques jours ne me rendait pas particulièrement fier, j’avais surtout l’impression de tromper mon ex et il fallait que j’en débarrasse (de l’impression, pas du numéro). Coup de chance, une maison de couture dans laquelle j’emmenait les clients pour les relookings donnait son défilé le dimanche suivant, c’est donc là que je l’ai invitée. C’est aussi la dernière fois qu’ils m’ont invité, mais ce fût un long et beau dimanche de soleil.

[size=150]A suivre, chapitre V : Un long dimanche de soleil[/size]
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By Dje
#116936 J'aurais eu des scrupules à commenter avant la fin, ne voulant pas briser le suspens. Heureusement, d'autres s'y sont risqués avant moi.

[quote="Stéphane"]Soit ils s’ennuient dans un bureau et ils vous en voudront à mort de leur avoir rappelé l’espace d’une soirée, soit c’est plus intéressant mais plus compliqué et vous les mettez dans l’embarras de devoir vous l’expliquer.
C'est vrai... d'autant qu'il est difficile de trouver les mots inspirant de la curiosité lorsqu'on exerce dans un bureau, et que, pourtant, ça nous passionne.

[quote="Stéphane"]Elle continuait de me regarder avec ses yeux immobiles, sans manifester aucun intérêt particulier, mais sans cesser non plus de s’intéresser à ce que je disais, aussi décidai-je que sa façon de regarder devait peut-être, en soi, constituer un signe d’intérêt secret du temps de l’Union Soviétique, et cette pensée m’excitait beaucoup. Plus qu’elle à vrai dire, qui n’était - je vous l’ai dit - toujours pas mon genre. Attention aux filles qui n’étaient pas votre genre au début, ce sont toujours les plus dangereuses.
La première fois, je n'ai pas pu m'empêcher de lire "avec ses yeux imbéciles".
Après avoir lu le chapitre I, j'ai pensé qu'il semblait bien risqué de lui refuser tout pouvoir quand tu lui reconnaissais d'emblée des traits qui la différenciaient toute entière des autres. Mais c'est facile à dire une fois si tu nous souffles qu'elle a laissé des traces.

Inutile de rappeler que tout ça est fort bien écrit. C'est d'autant plus un plaisir que je ne suis pas de ceux ayant pu lire tes FR sur FTS, et ça manquait ;)

Dommage que le récit de la prise de numéro soit si succint. Elle ne devait pas présenter d'intérêt suffisant pour en faire des tartines, mais je crois qu'il est établi que tu fais de la bonne confiture.
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By Stéphane
#116937 [quote="Dje"]
Inutile de rappeler que tout ça est fort bien écrit. C'est d'autant plus un plaisir que je ne suis pas de ceux ayant pu lire tes FR sur FTS, et ça manquait ;)
Ils y sont pourtant restés plusieurs années, jusqu'à ce que l'on me réclame une certaine somme d'argent pour être autorisé à continuer de publier.

Evidemment, cette demande est restée sans réponse, alors mes FR ont tous été supprimés les uns après les autres et on a commencé à dire du mal de moi sur ce forum. Les membres faisant simplement part de mon actualité (passages tv et autres) ou demandant où étaient passés 80% de ma production écrite ont été non seulement désinscrits mais bannis.

Et oui, c'est ça le "gentil" forum sans censure.


Ps : j'ai évidemment gardé les preuves par email, au cas où il faudrait les ressortir un jour ;)
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By Transcendantal
#116953 Ce qui me frappe dans l'interaction prise du numéro, c'est, comme ce qui t'agaçait, l'impassibilité de la fille et ses réponses monosyllabiques fréquentes, qui auraient presque pu être interprétées comme du désintérêt... Moi qui avais l'habitude ya pas très lgtps de m'éjecter pour moins que ça, je sais à quoi m'en tenir à présent.

En tout cas, je suis rassuré quant au genre de discussion que tu as eue, parce que je ne peux m'empecher parfois de penser que mes interactions sont super banales. Finalement, pas tant que ça.

La suite !! :mrgreen: